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seront derrièrement semez et plus tendres, de quieuque nature qu’ilz soyent ; quar illec trouvera il qu’il hara viandé ; et là doit mener ses chiens ; et quant ilz en assentiront, il se doit demourer tout coy et parler à ses chiens et les fere venir et assembler yqui et lessier les en bien assentir ; quar ilz en assentent trop mieulz aux viandeis qu’ilz ne font quant elle[1] s’en va au gîte, pour quant qu’il s’en aille de meilleur temps. La rayson si est : quar un lièvre ira ou champ là où elle viandra de trop de erres, et les chiens en assentiront par tout ; quar elle aura bien hanté et gouverné[2]. Et quant elle s’en yra à son giste, elle prendra aucune voye ou petite ou grante, laquelle elle ira batant une grant piesse et puis se croupira, et lavera et limera ses piés son visage et ses oreilles, puis ira oultre, ou revenra sus soy et fera ses malices et soubtilesses. Donc doit le veneur atendre si les chiens le dresseront et mettront hors de son viandeis ; et s’ilz le font, c’est bien en fet. Si aille après tout belement et non pas trop haster ; quar, comme j’ay dit, les lièvres vont et reviennent sur elles, et pour ce n’est-il pas bon qu’il aille trop près d’eulx ; car si un lièvre revenoit sus soy, il defferoit les routes d’elle, que les chiens ne pourroient mie si bien assentir. Et se les chiens ne le pevent metre hors du viandeis pour ce qu’ils n’en puelent assentir, quar elle ira la voye où null chien, comme j’ay dit en la chasse du cerf, ne puet si bien assentir comme ès autres lieus, quar le cuer ne dit mie aux chiens que elle aille le chemin, et aussi ou chemin poudreux haslé et batu n’en puelent-ils pas assentir à leur gré, pour quant que le vousissent fere ; non font ilz quant elle s’en va à son giste par autre pays, quar elle s’en va tout d’une randonnée ; ou là où elle hara viandé, elle il y ara esté et alé et demouré toute la

  1. Gaston Phœbus fait le mot lièvre tantôt masculin, tantôt féminin ; il arrive même qu’il lui donne, comme ici, les deux genres dans la même phrase.
  2. Dans le manuscrit de Neuilly on lit : conversé, qui signifie ici : fait beaucoup de tours.