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Page:Gaston Phoebus - Le Livre des oraisons, 1893.djvu/18

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potens Deus, quod dares mihi honorem armarum et dedisti mihi multipliciter gaudere. In tantum quod in Sarracenis, Judeis, Christianis, in Ispania, Francia et Anglia, Alemania et Lombardia, citra omne mare et ultra latum nomen meum per tuam gratiam. In omnibus locis in quibus fui obtinui victorias et omnes meos inimicos tradidisti in manibus meis ex quo habeo perfectam noticiam de te. Omnia delectamenta et solatia et omnia bona, quæ in hac mortali vita unus homo potest habere, mihi dedisti quia tibi placuit absque ullâ ratione de me. Breviter de aliquo quod tibi petierim ut dares mihi, nullo tempore defecisti ; esset justum, vel non : et ab omnibus malis et tribulationibus me eripuisti. Ergo, Domine Deus pie, postquam tot gratias et miraculosas bonitates fecisti mihi et plusquam homo scribere posset ; erit facta tua justicia supra me sine tuâ misericordiâ. Et si est, non oportet mihi quod omnes demones sint parati et omnes pene profundorum infernorum stabilitate ad me vorandum. Et ultimum, plus corpus meum subjectioni omnium precor et omnia bona quæ mihi dedisti, quoniam gratia reducta in


par votre grâce. Dans tous les lieux où je suis allé, j’ai remporté des victoires ; vous avez livré en mes mains tous mes ennemis ; d’où j’ai une parfaite connaissance de vous-même. Tous les agréments, toutes les consolations, tous les biens que, dans cette vie mortelle, un même homme peut avoir, vous me les avez donnés parce que cela vous a plu, sans aucun mérite de ma part. Bref, tout ce que je vous ai demandé de n’octroyer, juste ou non, vous ne me l’avez en aucun temps refusé ; et de tous les maux et tribulations m’avez toujours délivré. Donc, Seigneur, Dieu miséricordieux, après m’avoir comblé de tant de grâces, de tant de merveilleuses bontés, au-delà de ce qu’un homme en pourrait écrire, votre justice sur moi s’exercera sans pitié. Et s’il en est ainsi, il ne faut pas que tous les démons, que tous les êtres infernaux sortent du profond de leurs abîmes prêts à me dévorer. Finalement, mon corps, tous les biens que vous m’avez donnés, je les livre à l’indulgence de tous, parce que si votre grâce se change en colère et en haine, il ne serait plus possible de satisfaire complètement à la justice, vu la multitude innombrable de mes péchés[1]. Mais, Seigneur, ce qui me donne espoir c’est ceci : que je sais que toutes les créatures, quelles qu’elles

  1. Le texte latin de cette phrase est obscur. Nous en donnons une traduction qui nous semble plausible.