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Page:Gasztowtt - Le Poète polonais Jules Slowacki, 1881.djvu/139

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Il s’écoula dix jours et dix nuits, mais si lentes,
Que la mort aurait pu s’en retourner aux cieux.
Dix autres jours encor, dix autres nuits brillantes
S’écoulèrent ; l’espoir renaissait radieux…
Ma femme avait cessé de pleurer elle-même,
Quand de nos jours d’angoisse arriva le trentième.
Enfin, ayant perdu forces et souvenir,
Je me couchai la nuit et je pus m’endormir.
Mais en rêve je vis dans un léger nuage
D’Amine et de Hafné réapparaître l’image.
Se tenant par la main, elles vinrent d’abord
Vers moi me souhaiter le repos de la mort ;
Ensuite, les yeux pleins d’une flamme effrayante,
S’approchèrent de ceux qui dormaient sous la tente,
Et touchèrent sans bruit de leur doigt menaçant
La couche de leur mère et celle de l’enfant ;
Puis sur leur jeune sœur, l’une à l’autre enlacées,
Maudites ! je les vis poser leurs mains glacées.
Je me réveille avec un sanglot étouffé,
Et, farouche, j’appelle : « Hatfé ! ma chère Hatfé ! »
Comme un oiseau léger, elle accourut bien vite,
Se jeta dans mes bras, et je vis, ô bonheur !
Qu’elle était bien encor là, ma pauvre petite,
En entendant son cœur qui battait sur mon cœur.