Page:Gaulan - Une fière peur, Album Universel, 1907-01-05.djvu/7

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mort qui le suppliait de s’arrêter, il passait clôtures et champs sur un train qui aurait fait envie à un caribou.

Enfin, fou de terreur, il atteignit sa demeure et s’abattit sur une chaise, pâle, à moitié mort, incapable de dire un mot.

On s’empresse autour de lui, on le frictionne, on l’encourage, on le dorlotte ; rien n’y fait. Le père Mathias est secoué jusqu’à la moëlle d’un frisson terrible, les dents lui claquent.

Il se calme enfin, puis lorsqu’il peut parler : « Vous ne me croirez pas, dit-il, mais sur ma part de Paradis, je vous jure que j’ai vu Baptiste Lamoureux et qu’il a couru après moi au moins cinq arpents ! »

Ce fut un éclat de rire général.

Mathias était indigné :

— Mais je vous jure, sapristi, que je l’ai vu !

— C’est ben possible, fit sa femme, qui se tordait.

— Comment, c’est possible ? es-tu folle ?

— Mon pauvre vieux ! fit-elle entre deux hoquets, Baptiste n’est pas mort : au moment où on l’enterrait il est revenu à la vie ; il n’avait eu qu’une syncope de cœur !

Cependant Mathias en a été malade pendant deux jours.

Pour une fière peur, c’était une fière peur.

HENRI GAULAN.