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ALLO ! LECTEUR, SALUT !


Plusieurs amis m’ont dit :

Savez-vous que Conrad Gauthier a décidé de publier en volume, couplets et musique, ses principaux succès dans la chanson de chez-nous, genre folklore et fantaisiste ?

Fameuse idée. Ça va s’enlever comme des bonnes crêpes au lard, au temps des sucres.

Sans doute, mais il faudrait tout de même quelqu’un pour présenter au public ce chanteur si spécialisé dans sa manière, et nous avons songé à vous.

Présenter Conrad Gauthier à un public de Canadiens ! Pourquoi faire ? Êtes-vous capable de me trouver un seul concitoyen ou compatriote qui ne connaisse cet animateur enragé de nos vieilles coutumes, cet irrésistible dispensateur de bonne gaieté des ancêtres ? Et pourquoi me demander cela à moi, lorsque vous savez que j’ai « dételé », que je n’écris plus, que je suis désormais retiré de la circulation journalistique pour m’occuper exclusivement de l’autre, plus compliquée par les temps qui courent, celle des « p’tits chars », comme on disait dans le bon vieux temps ?

Mais n’êtes-vous pas un vieil ami de ce brave Conrad et ne connaissez-vous pas quasi par cœur son répertoire aussi bien que sa manière de l’interpréter ?

Ah ! du moment qu’on fait appel à mes sentiments et à une vieille et toujours loyale camaraderie, il n’y a plus moyen de me dérober. Donc, oyez, oyez, voici le poulet :

Conrad Gauthier naquit dans la province de Québec, il y a au moins cent cinquante ans, ce qui ne l’empêche pas d’avoir l’air jeune (pour vous mesdames et aussi messieurs), c’est-à-dire au temps heureux où il n’y avait pas de « p’tites vues », de « dancings », de phonographes et de radios, à l’âge d’or où nos pères passaient leurs soirées à voisiner, à prendre honnêtement un « p’tit coup » agréable, à rythmer des danses aussi caractéristiques que peu « enveloppantes », à conter des histoires à faire se rouler les plus farouches anachorètes, et surtout à chanter et même improviser de ces couplets ou refrains mélancoliques ou joyeux à base de saine et constructive philosophie.

Et, si plusieurs de ces chansons d’ancêtres ne sont pas irrémédiablement tombées dans l’oubli, n’est-ce pas à Conrad Gauthier que nous le devons ? Ce même Gauthier, que tant de fois vous applaudîtes, mesdames et mesdemoiselles, au Monument National ou ailleurs, et qui rend tant de foyers heureux et joyeux lorsque du haut des airs vous arrive sa voix sur les ailes de la mystérieuse radio !

Amis libraires, hâtez-vous de vous précautionner et approvisionner, car, sans avoir la moindre velléité de jouer au prophète, je pronostique dès à présent une course sur vos vitrines et vos rayons. Ils sont légion ceux des nôtres qui brûlent d’apprendre et l’air et les paroles de « Maluron, lurette », « Anatole et Manda », « Un p’tit soulier, madame », « Autrefois », « Le père la Neige », « Zozo », « La destinée », « Quand Polion va voir Mina », « Les souliers de ma mignonne », « On est Canayen », « Dans le bon vieux temps », etc.

Et, maintenant que vous connaissez Conrad Gauthier, le sincère artiste dénué de toute « enflure » ou pose, le camarade toujours prêt à obliger, à vous amuser en ressuscitant pour vous le cher passé, permettez-moi de me retirer en vous remerciant de votre bienveillante attention.

Place à la gaieté ! Place aux chansons et répondez en chœur !

Gustave Comte