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PREMIER TABLEAU

Avant le lever du rideau, on a commencé d’entendre les vociférations de la foule, mêlées à des bruits de gongs et de sonnettes.

Le lieu des exécutions au pied des remparts de Pékin. Une colossale muraille grise, à créneaux, occupe tout le fond de la scène, et, vers la gauche, s’en va à perte de vue dans le lointain. Le long de cette muraille, les prisonniers chinois sont attachés à des poteaux, d’autres sont à la cangue, sous un écriteau rouge. Çà et là des têtes coupées et saignantes sont pendues à des clous. Il y a des taches de sang partout sur le sol. Une foule loqueteuse se presse sur le devant de la scène ; les gens portent le costume de Pékin de nos jours, longue natte, robe de coton bleu, sayon de peau de bique ; des femmes tartares, du peuple aussi, sont coiffées de deux cornes de cheveux, avec de grossières fleurs artificielles. En avant et à gauche, la grande tente, largement ouverte, d’un général tartare : elle est en cuir verdâtre, avec toiture jaune, surmontée d’un clocheton d’argent ; l’intérieur est tapissé de peaux de bêtes ; autour du mât central, une table circulaire : tapis, pliants, petite table, un drapeau carré avec le nom du général. Gardes, soldats, sabre au clair. Des chameaux sont couchés alentour, parmi des ballots et des armes. Voitures, palanquins.

Au lever du rideau, la foule continue de vociférer tumultueusement. Des marchands de boissons chaudes se pro-