Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/100

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plus incertain et plus troublé que jamais. Il se fit conduire à Passy chez le docteur B***, pour le consulter.

« Je suis, dit-il au médecin célèbre, en proie à une hallucination bizarre ; lorsque je me regarde dans une glace, ma figure ne m’apparaît pas avec ses traits habituels ; la forme des objets qui m’entourent est changée ; je ne reconnais ni les murs ni les meubles de ma chambre ; il me semble que je suis une autre personne que moi-même.

― Sous quel aspect vous voyez-vous ? demanda le médecin ; l’erreur peut venir des yeux ou du cerveau.

― Je me vois des cheveux noirs, des yeux bleu foncé, un visage pâle encadré de barbe.

― Un signalement de passe-port ne serait pas plus exact : il n’y a chez vous ni hallucination intellectuelle, ni perversion de la vue. Vous êtes, en effet, tel que vous dites.

― Mais non ! J’ai réellement les cheveux blonds, les yeux noirs, le teint hâlé et une moustache effilée à la hongroise.

― Ici, répondit le médecin, commence une légère altération des facultés intellectuelles.

― Pourtant, docteur, je ne suis nullement fou.

― Sans doute. Il n’y a que les sages qui viennent chez moi tout seuls. Un peu de fatigue, quelque excès d’étude ou de plaisir aura causé