Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/107

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sées pour que le contact de l’oreiller ne la froissât pas.

Pendant cette opération délicate, la comtesse faisait danser au bout de son pied une babouche de velours blanc brodée de cannetille d’or, petite à rendre jalouse les khanoums et les odalisques du Padischah. Parfois, rejetant les plis soyeux du burnous, elle découvrait son bras blanc, et repoussait de la main quelques cheveux échappés, avec un mouvement d’une grâce mutine.

Ainsi abandonnée dans sa pose nonchalante, elle rappelait ces sveltes figures de toilettes grecques qui ornent les vases antiques et dont aucun artiste n’a pu retrouver le pur et suave contour, la beauté jeune et légère ; elle était mille fois plus séduisante encore que dans le jardin de la villa Salviati à Florence ; et si Octave n’avait pas été déjà fou d’amour, il le serait infailliblement devenu ; mais, par bonheur, on ne peut rien ajouter à l’infini.

Octave-Labinski sentit à cet aspect, comme s’il eût vu le spectacle le plus terrible, ses genoux s’entre-choquer et se dérober sous lui. Sa bouche se sécha, et l’angoisse lui étreignit la gorge comme la main d’un Thugg ; des flammes rouges tourbillonnèrent autour de ses yeux. Cette beauté le médusait.

Il fit un effort de courage, se disant que ces manières effarées et stupides, convenables à un amant repoussé, seraient parfaitement ridicules