Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/140

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ment chez vous et n’ont pas eu le temps de se renouer, et vos volontés ne feront pas cet obstacle qu’oppose au magnétiseur la résistance instinctive du magnétisé. M. le comte pardonnera sans doute à un vieux savant comme moi de n’avoir pu résister au plaisir de pratiquer une expérience pour laquelle on ne trouve pas beaucoup de sujets, puisque cette tentative n’a servi d’ailleurs qu’à confirmer avec éclat une vertu qui pousse la délicatesse jusqu’à la divination, et triomphe là où toute autre eût succombé. Vous regarderez, si vous voulez, comme un rêve bizarre cette transformation passagère, et peut-être plus tard ne serez-vous pas fâché d’avoir éprouvé cette sensation étrange que très peu d’hommes ont connue, celle d’avoir habité deux corps. ― La métempsycose n’est pas une doctrine nouvelle ; mais, avant de transmigrer dans une autre existence, les âmes boivent la coupe d’oubli, et tout le monde ne peut pas, comme Pythagore, se souvenir d’avoir assisté à la guerre de Troie.

― Le bienfait de me réinstaller dans mon individualité, répondit poliment le comte, équivaut au désagrément d’en avoir été exproprié, cela soit dit sans aucune mauvaise intention pour M. Octave de Saville que je suis encore et que je vais cesser d’être. »

Octave sourit avec les lèvres du comte Labinski à cette phrase, qui n’arrivait à son adresse