Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/150

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portait le jour de cette apparition aux Cascines, si fatale pour Octave.

« Quelle peur, dit le comte, vous a causée jadis ce pauvre petit lézard que j’ai tué d’un coup de badine lorsque, pour la première fois, vous êtes descendue au jardin sur mes instantes prières ! Je le fis mouler en or et orner de quelques pierres ; mais, même à l’état de bijou, il vous semblait toujours effrayant, et ce n’est qu’au bout d’un certain temps que vous vous décidâtes à le porter.

― Oh ! j’y suis habituée tout à fait maintenant, et c’est de mes joyaux celui que je préfère, car il me rappelle un bien cher souvenir.

― Oui, reprit le comte ; ce jour-là, nous convînmes que, le lendemain, je vous ferais demander officiellement en mariage à votre tante. »

La comtesse, qui retrouvait le regard, l’accent du vrai Olaf, se leva, rassurée d’ailleurs par ces détails intimes, lui sourit, lui prit le bras et fit avec lui quelques tours dans la serre, arrachant au passage, de sa main restée libre, quelques fleurs dont elle mordait les pétales de ses lèvres fraîches, comme cette Vénus de Schiavone qui mange des roses.

« Puisque vous avez si bonne mémoire aujourd’hui, dit-elle en jetant la fleur qu’elle coupait de ses dents de perle, vous devez avoir retrouvé l’usage de votre langue maternelle… que vous ne saviez plus hier.