Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/169

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trouvé à l’hôtel de Rome un billet à son adresse, signé Alicia W.

Il regardait vaguement la mer limpide et bleue, où se distinguaient, dans une lumière brillante, et nuancées par le lointain de teintes d’améthyste et de saphir, les belles îles semées en éventail à l’entrée du golfe, Capri, Ischia, Nisida, Procida, dont les noms harmonieux résonnent comme des dactyles grecs, mais son âme n’était pas là ; elle volait à tire-d’aile du côté de Sorrente, vers la petite maison blanche enfouie dans la verdure dont parlait la lettre d’Alicia. En ce moment la figure de M. d’Aspremont n’avait pas cette expression indéfinissablement déplaisante qui la caractérisait quand une joie intérieure n’en harmonisait pas les perfections disparates : elle était vraiment belle et sympathique, pour nous servir d’un mot cher aux Italiens ; l’arc de ses sourcils était détendu ; les coins de sa bouche ne s’abaissaient pas dédaigneusement, et une lueur tendre illuminait ses yeux calmes ; — on eût parfaitement compris en le voyant alors les sentiments que semblaient indiquer à son endroit les phrases demi-tendres, demi-moqueuses écrites sur le papier cream-lead. Son originalité soutenue de beaucoup de distinction ne devait pas déplaire à une jeune miss, librement élevée à la manière anglaise par un vieil oncle très indulgent.

Au train dont le cocher poussait ses bêtes,