Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/208

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partagé une opinion, il est probable que cette opinion si généralement reçue s’appuyait sur des faits positifs, sur une longue suite d’observations justifiées par l’événement… J’ai peine à croire, quelque idée avantageuse que j’aie de moi-même, que tant de personnes, dont plusieurs à coup sûr étaient illustres, éclairées et savantes, se soient trompées grossièrement dans une chose où seul je verrais clair…

— Votre raisonnement est facile à rétorquer, interrompit miss Alicia Ward : le polythéisme n’a-t-il pas été la religion d’Hésiode, d’Homère, d’Aristote, de Platon, de Socrate même, qui a sacrifié un coq à Esculape, et d’une foule d’autres personnages d’un génie incontestable ?

— Sans doute, mais il n’y a plus personne aujourd’hui qui sacrifie des bœufs à Jupiter.

— Il vaut bien mieux en faire des beefsteaks et des rumpsteaks, dit sentencieusement le commodore, que l’usage de brûler les cuisses grasses des victimes sur les charbons avait toujours choqué dans Homère.

— On n’offre plus de colombes à Vénus, ni de paons à Junon, ni de boucs à Bacchus ; le christianisme a remplacé ces rêves de marbre blanc dont la Grèce avait peuplé son Olympe ; la vérité a fait évanouir l’erreur, et une infinité de gens redoutent encore les effets du fascino, ou, pour lui donner son nom populaire, de la jettatura.

— Que le peuple ignorant s’inquiète de pa-