Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/233

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cause de si près, la chute de Scazziga coïncidait si justement avec le regard qu’il lui avait lancé, que ses appréhensions lui revinrent :

« J’ai bien envie, se dit-il, de quitter dès demain ce pays extravagant, où je sens ma cervelle ballotter dans mon crâne comme une noisette sèche dans sa coquille. Mais si je confiais mes craintes à miss Ward, elle en rirait, et le climat de Naples est favorable à sa santé. — Sa santé ! mais elle se portait bien avant de me connaître ! Jamais ce nid de cygnes balancé sur les eaux, qu’on nomme l’Angleterre, n’avait produit une enfant plus blanche et plus rose ! La vie éclatait dans ses yeux pleins de lumière, s’épanouissait sur ses joues fraîches et satinées ; un sang riche et pur courait en veines bleues sous sa peau transparente ; on sentait à travers sa beauté une force gracieuse ! Comme sous mon regard elle a pâli, maigri, changé ! comme ses mains délicates devenaient fluettes ! Comme ses yeux si vifs s’entouraient de pénombres attendries ! On eût dit que la consomption lui posait ses doigts osseux sur l’épaule. — En mon absence, elle a bien vite repris ses vives couleurs ; le souffle joue librement dans sa poitrine que le médecin interrogeait avec crainte ; délivrée de mon influence funeste, elle vivrait de longs jours. — N’est-ce pas moi qui la tue ? — L’autre soir, n’a-t-elle pas éprouvé, pendant que j’étais là, une souffrance si aiguë, que ses joues se sont