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X


Le mouvement d’Alicia pour cacher son mouchoir n’avait pu être si prompt que M. d’Aspremont ne l’aperçût ; une pâleur affreuse couvrit les traits de Paul, car une preuve irrécusable de son fatal pouvoir venait de lui être donnée, et les idées les plus sinistres lui traversaient la cervelle ; la pensée du suicide se présenta même à lui ; n’était-il pas de son devoir de se supprimer comme un être malfaisant et d’anéantir ainsi la cause involontaire de tant de malheurs ? Il eût accepté pour son compte les épreuves les plus dures et porté courageusement le poids de la vie ; mais donner la mort à ce qu’il aimait le mieux au monde, n’était-ce pas aussi par trop horrible ?

L’héroïque jeune fille avait dominé la sensation de douleur, suite du regard de Paul, et qui coïncidait si étrangement avec les avis du comte Altavilla. — Un esprit moins ferme eût pu se frapper de ce résultat, sinon surnaturel, du moins difficilement explicable ; mais, nous l’avons dit, l’âme d’Alicia était religieuse et non superstitieuse. Sa foi inébranlable en ce qu’il faut croire