Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/261

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lement ? dit le commodore, ébranlé par les raisonnements captieux d’Altavilla, mais que retenait une sorte de honte anglaise d’adopter la croyance populaire napolitaine.

— Miss Ward n’est pas malade ; elle subit une sorte d’empoisonnement par le regard, et si M. d’Aspremont n’est pas jettatore, au moins il est funeste.

— Qu’y puis-je faire ? elle aime Paul, se rit de la jettature et prétend qu’on ne peut donner une pareille raison à un homme d’honneur pour le refuser.

— Je n’ai pas le droit de m’occuper de votre nièce : je ne suis ni son frère, ni son parent, ni son fiancé ; mais si j’obtenais votre aveu, peut-être tenterais-je un effort pour l’arracher à cette influence fatale. Oh ! ne craignez rien ; je ne commettrai pas d’extravagance ; — quoique jeune, je sais qu’il ne faut pas faire de bruit autour de la réputation d’une jeune fille ; — seulement permettez-moi de me taire sur mon plan. Ayez assez de confiance en ma loyauté pour croire qu’il ne renferme rien que l’honneur le plus délicat ne puisse avouer.

— Vous aimez donc bien ma nièce ? dit le commodore.

— Oui, puisque je l’aime sans espoir ; mais m’accorderez-vous la licence d’agir ?

— Vous êtes un terrible homme, comte Altavilla ; eh bien ! tâchez de sauver Alicia à votre