Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/286

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dans un seul saphir ; une splendeur de beauté revêtait toutes choses.

Paul dit à Scazziga d’arrêter ; il descendit, s’assit sur une roche et regarda longtemps, longtemps, longtemps, comme s’il eût voulu accaparer l’infini. Ses yeux se noyaient dans l’espace et la lumière, se renversaient comme en extase, s’imprégnaient de lueurs, s’imbibaient de soleil ! La nuit qui allait suivre ne devait pas avoir d’aurore pour lui.

S’arrachant à cette contemplation silencieuse, M. d’Aspremont remonta en voiture et se rendit chez miss Alicia Ward.

Elle était, comme la veille, allongée sur son étroit canapé, dans la salle basse que nous avons déjà décrite. Paul se plaça en face d’elle, et cette fois ne tint pas ses yeux baissés vers la terre, ainsi qu’il le faisait depuis qu’il avait acquis la conscience de sa jettature.

La beauté si parfaite d’Alicia se spiritualisait par la souffrance : la femme avait presque disparu pour faire place à l’ange : ses chairs étaient transparentes, éthérées, lumineuses ; on apercevait l’âme à travers comme une lueur sur une lampe d’albâtre. Ses yeux avaient l’infini du ciel et la scintillation de l’étoile ; à peine si la vie mettait sa signature rouge dans l’incarnat de ses lèvres.

Un sourire divin illumina sa bouche, comme un rayon de soleil éclairant une rose, lorsqu’elle