Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/321

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trevues, ces bruits indistincts de pas, était-ce Max et Fabio marchant et causant, et disparus à l’angle d’un carrefour ? Cette explication toute naturelle, Octavien comprenait à son trouble qu’elle n’était pas vraie, et les raisonnements qu’il faisait là-dessus à part lui ne le convainquaient pas. La solitude et l’ombre s’étaient peuplées d’êtres invisibles qu’il dérangeait ; il tombait au milieu d’un mystère, et l’on semblait attendre qu’il fût parti pour commencer. Telles étaient les idées extravagantes qui lui traversaient la cervelle et qui prenaient beaucoup de vraisemblance de l’heure, du lieu et de mille détails alarmants que comprendront ceux qui se sont trouvés de nuit dans quelque vaste ruine.

En passant devant une maison qu’il avait remarquée pendant le jour et sur laquelle la lune donnait en plein, il vit, dans un état d’intégrité parfaite, un portique dont il avait cherché à rétablir l’ordonnance : quatre colonnes d’ordre dorique cannelées jusqu’à mi-hauteur, et le fût enveloppé comme d’une draperie pourpre d’une teinte de minium, soutenaient une cimaise coloriée d’ornements polychromes, que le décorateur semblait avoir achevée hier ; sur la paroi latérale de la porte un molosse de Laconie, exécuté à l’encaustique et accompagné de l’inscription sacramentelle : Cave canem, aboyait à la lune et aux visiteurs avec une fureur peinte. Sur le seuil de mosaïque le mot Ave, en lettres osques