Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/344

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te semblerait plus hideuse qu’Empouse et Phorkyas, si tu la pouvais voir telle qu’elle est. »

Octavien, pâle, glacé d’horreur, voulut parler ; mais sa voix resta attachée à son gosier, selon l’expression virgilienne.

« M’obéiras-tu, Arria ? s’écria impérieusement le grand vieillard.

— Non, jamais, » répondit Arria, les yeux étincelants, les narines dilatées, les lèvres frémissantes, en entourant le corps d’Octavien de ses beaux bras de statue, froids, durs et rigides comme le marbre. Sa beauté furieuse, exaspérée par la lutte, rayonnait avec un éclat surnaturel à ce moment suprême, comme pour laisser à son jeune amant un inéluctable souvenir.

« Allons, malheureuse, reprit le vieillard, il faut employer les grands moyens, et rendre ton néant palpable et visible à cet enfant fasciné, » et il prononça d’une voix pleine de commandement une formule d’exorcisme qui fit tomber des joues d’Arria les teintes pourprées que le vin noir du vase myrrhin y avait fait monter.

En ce moment, la cloche lointaine d’un des villages qui bordent la mer ou des hameaux perdus dans les plis de la montagne fit entendre les premières volées de la Salutation angélique.

À ce son, un soupir d’agonie sortit de la poitrine brisée de la jeune femme. Octavien sentit se desserrer les bras qui l’entouraient ; les draperies qui la couvraient se replièrent sur elles-