Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/395

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d’autre ; car, bien que leurs propriétés se touchassent, les deux Chinois vivaient aussi étrangers l’un à l’autre que s’ils eussent été séparés par le fleuve Jaune ou la grande muraille ; les connaissances communes évitaient toute allusion à la maison voisine, et les serviteurs, s’ils se rencontraient par hasard, avaient ordre de ne se point parler sous peine du fouet et de la cangue.

Le garçon s’appelait Tchin-Sing, et la fille, Ju-Kiouan, c’est-à-dire la Perle et le Jaspe ; leur parfaite beauté justifiait le choix de ces noms. Dès qu’ils furent un peu grandelets, la muraille, qui coupait l’étang en deux et bornait désagréablement la vue de ce côté, attira leur attention, et ils demandèrent à leurs parents ce qu’il y avait derrière cette clôture si singulièrement posée au milieu d’une pièce d’eau, et à qui appartenaient les grands arbres dont on apercevait la cime.

On leur répondait que c’était l’habitation de gens bizarres, quinteux, revêches et de tout point insociables, et que cette clôture avait été faite pour se défendre de si méchants voisins.

Cette explication avait suffi à ces enfants ; ils s’étaient accoutumés à la muraille et n’y prenaient plus garde.

Ju-Kiouan croissait en grâces et en perfections elle était habile à tous les travaux de son sexe, elle maniait l’aiguille avec une adresse incomparable.