Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/402

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

simple réflexion, suffit pour cela. Qu’on n’accuse pas là-dessus Ju-Kiouan de frivolité ; devenir amoureuse d’un jeune homme sur son reflet… n’est-ce pas une folie ? Mais à moins d’une longue fréquentation qui permette d’étudier les caractères, que voit-on de plus dans les hommes ? un aspect purement extérieur, pareil à celui donné par un miroir ; et n’est-ce pas le propre des jeunes filles de juger de l’âme d’un futur mari par l’émail de ses dents et la coupe de ses ongles ?

Tchin-Sing avait aussi aperçu cette beauté merveilleuse : « Est-ce un rêve que je fais tout éveillé ? s’écria-t-il. Cette charmante figure qui scintille sous le cristal de l’eau doit être formée des rayons argentés de la lune par une nuit de printemps et du plus subtil arôme des fleurs ; quoique je ne l’aie jamais vue, je la reconnais, c’est bien elle dont l’image est gravée dans mon âme, la belle inconnue à qui j’adresse mes distiques et mes quatrains. »

Tchin-Sing en était là de son monologue, lorsqu’il entendit la voix de son père qui l’appelait.

« Mon fils, lui dit-il, c’est un parti très riche et très convenable que l’on te propose par l’organe de Wing, mon ami. C’est une fille qui a du sang impérial dans les veines, dont la beauté est célèbre, et qui possède toutes les qualités propres à rendre un mari heureux. »

Tchin-Sing, tout préoccupé de l’aventure du