Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/404

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prouva à Tchin-Sing qu’il n’était pas désagréable à la belle inconnue ; mais comme on ne peut pas avoir de bien longues conversations avec un reflet dont on ne peut pas voir le corps, il fit signe qu’il allait écrire, et rentra dans l’intérieur du pavillon. Au bout de quelques instants il sortit tenant un carré de papier argenté et coloré, sur lequel il avait improvisé une déclaration d’amour en vers de sept syllabes. Il roula sa pièce de vers, l’enferma dans le calice d’une fleur et enveloppa le tout d’une large feuille de nénuphar qu’il posa délicatement sur l’eau.

Une légère brise, qui s’éleva fort à propos, poussa la déclaration vers une des baies de la muraille, de sorte que Ju-Kiouan n’eut qu’à se baisser pour la recueillir. De peur d’être surprise, elle se retira dans la plus reculée de ses chambres, et lut avec un plaisir infini les expressions d’amour et les métaphores dont Tchin-Sing s’était servi ; outre la joie de se savoir aimée, elle éprouvait la satisfaction de l’être par un homme de mérite, car la beauté de l’écriture, le choix des mots, l’exactitude des rimes, l’éclat des images prouvaient une éducation brillante : ce qui la frappa surtout, c’était le nom de Tchin-Sing. Elle avait trop souvent entendu sa mère parler du rêve de la perle pour n’être pas frappée de cette coïncidence ; aussi ne douta-t-elle pas un instant que Tchin-Sing ne fût l’époux que le ciel lui destinait.