Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/43

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mais que peut l’étoile d’or scintillante au haut du firmament pour le pâtre obscur qui lève vers elle des bras éperdus ? Aux temps mythologiques, Phœbé descendit bien des cieux en rayons d’argent sur le sommeil d’Endymion ; mais elle n’était pas mariée à un comte polonais.

Dès son arrivée à Paris, la comtesse Labinska avait envoyé à Octave cette invitation banale que le docteur Balthazar Cherbonneau tournait distraitement entre ses doigts, et en ne le voyant pas venir, quoiqu’elle l’eût voulu guéri, elle s’était dit avec un mouvement de joie involontaire : « Il m’aime toujours ! » C’était cependant une femme d’une angélique pureté et chaste comme la neige du dernier sommet de l’Himalaya.

Mais Dieu lui-même, au fond de son infini, n’a pour se distraire de l’ennui des éternités que le plaisir d’entendre battre pour lui le cœur d’une pauvre petite créature périssable sur un chétif globe, perdu dans l’immensité. Prascovie n’était pas plus sévère que Dieu, et le comte Olaf n’eût pu blâmer cette délicate volupté d’âme.

« Votre récit, que j’ai écouté attentivement, dit le docteur à Octave, me prouve que tout espoir de votre part serait chimérique. Jamais la comtesse ne partagera votre amour.

― Vous voyez bien, monsieur Cherbonneau, que j’avais raison de ne pas chercher à retenir ma vie qui s’en va.

― J’ai dit qu’il n’y avait pas d’espoir avec