Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/454

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main d’Hermonthis : la main pour le pied me paraissait une récompense antithétique d’assez bon goût.

Le Pharaon ouvrit tout grands ses yeux de verre, surpris de ma plaisanterie et de ma demande.

« De quel pays es-tu et quel est ton âge ?

— Je suis Français, et j’ai vingt-sept ans, vénérable Pharaon.

— Vingt-sept ans ! et il veut épouser la princesse Hermonthis, qui a trente siècles ! » s’écrièrent à la fois tous les trônes et tous les cercles des nations.

Hermonthis seule ne parut pas trouver ma requête inconvenante.

« Si tu avais seulement deux mille ans, reprit le vieux roi, je t’accorderais bien volontiers la princesse, mais la disproportion est trop forte, et puis il faut à nos filles des maris qui durent, vous ne savez plus vous conserver : les derniers qu’on a apportés il y a quinze siècles à peine, ne sont plus qu’une pincée de cendre ; regarde, ma chair est dure comme du basalte, mes os sont des barres d’acier. J’assisterai au dernier jour du monde avec le corps et la figure que j’avais de mon vivant ; ma fille Hermonthis durera plus qu’une statue de bronze. Alors le vent aura dispersé le dernier grain de ta poussière, et Isis elle-même, qui sut retrouver les morceaux d’Osiris, serait embarrassée de recomposer ton être.