Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/481

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reçurent les haschischins dans leurs bras moelleux et toujours ouverts.

Une chauffeuse, à l’angle de la cheminée, me faisait des avances ; je m’y établis, et m’abandonnai sans résistance aux effets de la drogue fantastique.

Au bout de quelques minutes, mes compagnons, les uns après les autres, disparurent, ne laissant d’autre vestige que leur ombre sur la muraille, qui l’eut bientôt absorbée : — ainsi les taches brunes que l’eau fait sur le sable s’évanouissent en séchant.

Et depuis ce temps, comme je n’eus plus la conscience de ce qu’ils faisaient, il faudra vous contenter pour cette fois du récit de mes simples impressions personnelles.

La solitude régna dans le salon, étoilé seulement de quelques clartés douteuses ; puis, tout à coup, il me passa un éclair rouge sous les paupières, une innombrable quantité de bougies s’allumèrent d’elles-mêmes, et je me sentis baigné par une lumière tiède et blonde. L’endroit où je me trouvais était bien le même, mais avec la différence de l’ébauche au tableau ; tout était plus grand, plus riche, plus splendide. La réalité ne servait que de point de départ aux magnificences de l’hallucination.

Je ne voyais encore personne, et pourtant je devinais la présence d’une multitude.

J’entendais des frôlements d’étoffes, des cra-