Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/484

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extraordinaires, comme on n’en trouve que dans les eaux-fortes de Callot et dans les aqua-tintes de Goya : un pêle-mêle d’oripeaux et de haillons caractéristiques, de formes humaines et bestiales ; en toute autre occasion, j’eusse été peut-être inquiet d’une pareille compagnie, mais il n’y avait rien de menaçant dans ces monstruosités. C’était la malice, et non la férocité, qui faisait pétiller ces prunelles. La bonne humeur seule découvrait ces crocs désordonnés et ces incisives pointues.

Comme si j’avais été le roi de la fête, chaque figure venait tour à tour dans le cercle lumineux dont j’occupais le centre, avec un air de componction grotesque, me marmotter à l’oreille des plaisanteries dont je ne puis me rappeler une seule, mais qui, sur le moment, me paraissaient prodigieusement spirituelles, et m’inspiraient la gaieté la plus folle.

À chaque nouvelle apparition, un rire homérique, olympien, immense, étourdissant, et qui semblait résonner dans l’infini, éclatait autour de moi avec des mugissements de tonnerre.

Des voix tour à tour glapissantes ou caverneuses criaient :

« Non, c’est trop drôle ; en voilà assez ! Mon Dieu, mon Dieu, que je m’amuse ! De plus fort en plus fort !

— Finissez ! je n’en puis plus… Ho ! ho ! hu ! hu ! hi ! hi ! Quelle bonne farce ! Quel beau calembour !