Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/502

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mandragore, qui s’amoindrissait, s’aplatissait, se décolorait et poussait des gémissements inarticulés ; enfin il perdit toute apparence humaine, et roula sur le parquet sous la forme d’un salsifis à deux pivots.

Le charme était rompu.

« Alléluia ! le Temps est ressuscité, crièrent des voix enfantines et joyeuses ; va voir la pendule maintenant ! »

L’aiguille marquait onze heures.

« Monsieur, votre voiture est en bas, » me dit le domestique.

Le rêve était fini.

Les haschischins s’en allèrent chacun de leur côté, comme les officiers après le convoi de Marlborough.

Moi, je descendis d’un pas léger cet escalier qui m’avait causé tant de tortures, et quelques instants après j’étais dans ma chambre en pleine réalité ; les dernières vapeurs soulevées par le haschisch avaient disparu.

Ma raison était revenue, ou du moins ce que j’appelle ainsi, faute d’autre terme.

Ma lucidité aurait été jusqu’à rendre compte d’une pantomime ou d’un vaudeville, ou à faire des vers rimant de trois lettres.