Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/55

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rateur du grand dieu Mahadevi ; et, enfin, le montraient endormi, au milieu de la mer lactée, sur la couleuvre aux cinq têtes recourbées en dais, attendant l’heure de prendre, pour dernière incarnation, la forme de ce cheval blanc ailé qui, en laissant retomber son sabot sur l’univers, doit amener la fin du monde.

Dans la salle du fond, chauffée plus fortement encore que les autres, se tenait M. Balthazar Cherbonneau, entouré de livres sanscrits tracés au poinçon sur de minces lames de bois percées d’un trou et réunies par un cordon de manière à ressembler plus à des persiennes qu’à des volumes comme les entend la librairie européenne. Une machine électrique, avec ses bouteilles remplies de feuilles d’or et ses disques de verre tournés par des manivelles, élevait sa silhouette inquiétante et compliquée au milieu de la chambre, à côté d’un baquet mesmérique où plongeait une lance de métal et d’où rayonnaient de nombreuses tiges de fer. M. Cherbonneau n’était rien moins que charlatan et ne cherchait pas la mise en scène, mais cependant il était difficile de pénétrer dans cette retraite bizarre sans éprouver un peu de l’impression que devaient causer autrefois les laboratoires d’alchimie.

Le comte Olaf Labinski avait entendu parler des miracles réalisés par le docteur, et sa curiosité demi-crédule s’était allumée. Les races slaves ont un penchant naturel au merveilleux, que