Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/67

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le plus caché, le tabernacle le plus mystérieux de l’âme. Son triomphe était complet.

Alors il se prépara avec une solennité majestueuse à l’expérience inouïe qu’il allait tenter ; il se revêtit comme un mage d’une robe de lin, il lava ses mains dans une eau parfumée, il tira de diverses boîtes des poudres dont il se fit aux joues et au front des tatouages hiératiques ; il ceignit son bras du cordon des brahmes, lut deux ou trois Slocas des poèmes sacrés, et n’omit aucun des rites minutieux recommandés par le sannyâsi des grottes d’Éléphanta.

Ces cérémonies terminées, il ouvrit toutes grandes les bouches de chaleur, et bientôt la salle fut remplie d’une atmosphère embrasée qui eût fait se pâmer les tigres dans les jungles, se craqueler leur cuirasse de vase sur le cuir rugueux des buffles, et s’épanouir avec une détonation la large fleur de l’aloès.

« Il ne faut pas que ces deux étincelles du feu divin, qui vont se trouver nues tout à l’heure et dépouillées pendant quelques secondes de leur enveloppe mortelle, pâlissent ou s’éteignent dans notre air glacial, » dit le docteur en regardant le thermomètre, qui marquait alors 120 degrés Fahrenheit.

Le docteur Balthazar Cherbonneau, entre ces deux corps inertes, avait l’air, dans ses blancs vêtements, du sacrificateur d’une de ces religions sanguinaires qui jetaient des cadavres