Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/79

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cher criant « La porte ! » le rappelèrent à lui ; il baissa la glace, mit la tête dehors et vit à la clarté du réverbère une rue inconnue, une maison qui n’était pas la sienne.

« Où diable me mènes-tu, animal ? s’écria-t-il. Sommes-nous donc faubourg Saint-Honoré, hôtel Labinski ?

― Pardon, monsieur ; je n’avais pas compris, » grommela le cocher en faisant prendre à sa bête la direction indiquée.

Pendant le trajet, le comte transfiguré se fit plusieurs questions auxquelles il ne pouvait répondre. Comment sa voiture était-elle partie sans lui, puisqu’il avait donné ordre qu’on l’attendît ? Comment se trouvait-il lui-même dans la voiture d’un autre ? Il supposa qu’un léger mouvement de fièvre troublait la netteté de ses perceptions, ou que peut-être le docteur thaumaturge, pour frapper plus vivement sa crédulité, lui avait fait respirer pendant son sommeil quelque flacon de haschisch ou de toute autre drogue hallucinatrice dont une nuit de repos dissiperait les illusions.

La voiture arriva à l’hôtel Labinski ; le suisse, interpellé, refusa d’ouvrir la porte, disant qu’il n’y avait pas de réception ce soir-là, que monsieur était rentré depuis plus d’une heure et madame retirée dans ses appartements.

« Drôle, es-tu ivre ou fou ? dit Olaf-de Saville en repoussant le colosse qui se dressait gigantes-