Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/93

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Cette visite augmenta la tristesse du comte. ― Jean le prenait pour son maître. Alfred pour son ami. Une dernière épreuve lui manquait. La porte s’ouvrit ; une dame dont les bandeaux étaient entremêlés de fil d’argent, et qui ressemblait d’une manière frappante au portrait suspendu à la muraille, entra dans la chambre, s’assit sur le divan, et dit au comte :

« Comment vas-tu, mon pauvre Octave ? Jean m’a dit que tu étais rentré tard hier, et dans un état de faiblesse alarmante ; ménage-toi bien, mon cher fils, car tu sais combien je t’aime, malgré le chagrin que me cause cette inexplicable tristesse dont tu n’as jamais voulu me confier le secret.

― Ne craignez rien, ma mère, cela n’a rien de grave, répondit Olaf-de Saville ; je suis beaucoup mieux aujourd’hui. »

Madame de Saville, rassurée, se leva et sortit, ne voulant pas gêner son fils, qu’elle savait ne pas aimer à être troublé longtemps dans sa solitude.

« Me voilà bien définitivement Octave de Saville, s’écria le comte lorsque la vieille dame fut partie ; sa mère me reconnaît et ne devine pas une âme étrangère sous l’épiderme de son fils. Je suis donc à jamais peut-être claquemuré dans cette enveloppe ; quelle étrange prison pour un esprit que le corps d’un autre ! Il est dur pourtant de renoncer à être le comte Olaf Labinski, de