Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/109

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de barbarie et de cruauté ; elles ne font qu’obéir à une loi fatale qui veut que de deux corps mis en contact le plus dur use et ronge l’autre. — Pourquoi le diamant coupe-t-il le verre et le verre ne coupe-t-il pas le diamant ? — Voilà toute la question. Ira-t-on accuser le diamant d’insensibilité ?

Musidora est une de ces natures : elle a vécu indifférente et calme au milieu du désordre ; elle a plongé dans l’infamie comme un plongeur sous sa cloche, qui voit tourner autour de lui les polypes monstrueux et les requins affamés, qui ne peuvent l’atteindre. Son existence réelle se sépare complètement de sa pensée intime et se passe tout à fait en dehors d’elle. Souvent il lui semble qu’une autre femme, qui se trouve, par un hasard singulier, avoir son nom et sa figure, a fait toutes les actions que l’on met sur son compte.

Mais qu’il se rencontre une âme de force et de résistance pareilles, vous voyez soudain les angles s’abattre, les facettes se former, un chiffre se graver d’une manière ineffaçable : le diamant ne peut se tailler qu’avec le diamant.

Fortunio est parvenu à rayer la dure cuirasse de Musidora et à dessiner son image sur ce métal insensible aux morsures de l’eau-forte et du burin.

Une femme est sortie de la statue. ― Ainsi, dans la fabuleuse antiquité, un jeune chevrier,