Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/154

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déplorable pour un auteur doué de quelque modestie : c’est lorsque le héros récite une pièce de vers produisant un grand effort sur son auditoire, qui s’écrie à la fin de chaque strophe : « Admirable ! sublime ! bien ! très bien ! encore mieux ! » Pour nous, plus timide, nous emploierons volontiers le moyen commode des anciens peintres, qui lorsqu’ils ne savaient pas dessiner un objet ou qu’ils le trouvaient trop difficile à rendre, écrivaient à la place : Currus venustus, ou pulcher homo, selon que c’était un homme ou une voiture.

La collation était achevée depuis longtemps, la table avait disparu par sa trappe comme un damné d’opéra, et Fortunio, assis sur le canapé, noyait sa main dans les ondes blondissantes des cheveux de Musidora, dont la tête, chargée d’amour, ployait comme une fleur pleine d’eau ; des frissons spasmodiques couraient sur son corps, sa gorge en éveil sautelait sous la robe ; ses bras pâmés languissaient et mouraient : on eût dit qu’elle allait s’évanouir.

Fortunio se pencha vers elle, et leurs bouches se prirent dans un délicieux et interminable baiser.