Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/182

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venons-nous de Singapour, de Calcutta ou de l’enfer ? C’est peut-être là que Musidora t’a rencontré ; elle est très bien avec le diable.

― Non, je reviens tout bourgeoisement de Neuilly, ni plus ni moins qu’un roi constitutionnel. As-tu fait encadrer Cinthia ? »

La Romaine fit un signe de silencieuse dénégation.

Phébe, se penchant à l’oreille de Fortunio, lui apprit que Cinthia était amoureuse d’une espèce de bravo, mélange de spadassin et de maître d’armes, haut de six pieds, avec des favoris noirs et trois rangées de dents comme un crocodile, à qui elle donnait tout son argent.

« Je la reconnais bien là, » dit Fortunio à demi-voix.

Pendant que cette conversation se tenait dans la loge de Fortunio, Alfred, resté seul, lorgnait de son mieux la Musidora. ― « Décidément, se dit-il à lui-même, je vais me remettre à faire la cour à Musidora ; Phébé est trop froide. ― Il serait du meilleur goût de supplanter le Fortunio malgré ses grands airs de satrape ; ― cela ferait un éclat merveilleux et restaurerait ma réputation d’homme à bonnes fortunes, qui a besoin d’être un peu ravivée ; car je ne puis me dissimuler que voilà trois femmes que je manque. ― Comment diable ce Fortunio peut-il suffire à toutes les dépenses qu’il fait ? Il y a quelque chose là-dessous. On ne lui connaît pas un pouce