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Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/193

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chargés de langueur ; comme elle se trouve maintenant l’héroïne opprimée, et que c’est Musidora que Fortunio aime aujourd’hui, l’intérêt se concentre naturellement sur elle. Mais nous avons fait une promesse imprudente et difficile à remplir ; nous n’aurions pas d’autre moyen de trouver Soudja-Sari qu’en suivant Fortunio ; et comment voulez-vous que l’on suive pédestrement un gaillard traîné par des chevaux pur sang ? — Et d’ailleurs avons-nous réellement le droit d’espionner notre héros ? Est-il de la délicatesse de surprendre ainsi le secret d’un galant homme ? Est-ce sa faute, à lui, si nous avons été le prendre pour héros de roman ?

Il est tant d’autres qui ne demandent pas mieux que d’imprimer leur correspondance intime.

Cependant il faut à toute force trouver Soudja-Sari, la belle aux yeux pleins de langueur.

Renonçant ici à tous les artifices ordinaires aux romanciers pour exciter et graduer l’intérêt, et averti d’ailleurs qu’il sera bientôt temps d’apposer le glorieux monosyllabe FIN, nous allons trahir le secret de Fortunio.

Fortunio, comme nous l’avons dit, a été élevé dans l’Inde par son oncle, nabab d’une richesse féerique. ― Après la mort de son oncle, il est venu en France emportant avec lui de quoi acheter un royaume. ― Un des plus grands plaisirs qu’il eût, c’était de mélanger la vie barbare