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quatre pouces, mais il se disait que les habitants du soleil pouvaient bien avoir huit cents lieues de haut.

Tel était notre ami Tiburce.

On aurait tort de croire, d’après ceci, que Tiburce fût dénué de passions. Sous les cendres de cette tranquillité couvait plus d’un tison ardent. Pourtant on ne lui connaissait pas de maîtresse en titre, et il se montrait peu galant envers les femmes. Tiburce, comme presque tous les jeunes gens d’aujourd’hui, sans être précisément un poète ou un peintre, avait lu beaucoup de romans et vu beaucoup de tableaux ; en sa qualité de paresseux, il préférait vivre sur la foi d’autrui ; il aimait avec l’amour du poète, il regardait avec les yeux du peintre, et connaissait plus de portraits que de visages ; la réalité lui répugnait, et, à force de vivre dans les livres et les peintures, il en était arrivé à ne plus trouver la nature vraie.

Les madones de Raphaël, les courtisanes du Titien lui rendaient laides les beautés les plus notoires : la Laure de Pétrarque, la Béatrix de Dante, l’Haydée de Byron, la Camille d’André Chénier, lui faisaient paraître vulgaires les femmes en chapeau, en robe et en mantelet dont il aurait pu devenir l’amant : il n’exigeait cependant pas un idéal avec des ailes à plumes blanches et une auréole autour de la tête ; mais ses études sur la statuaire antique, les écoles d’Italie, la fami-