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d’or ? Toujours est-il qu’il s’en alla fort joyeux, et se regardant lui-même comme un des séducteurs les plus triomphants. — L’hôtesse des Armes du Brabant et sa servante noire furent étonnées des airs d’Amilcar et de tambour-major qu’il se donnait. Il alluma son cigare de la façon la plus résolue, croisa ses jambes et se mit à faire danser sa pantoufle au bout de son pied avec la superbe nonchalance d’un mortel qui méprise parfaitement la création et qui sait des bonheurs inconnus au vulgaire des hommes ; il avait enfin trouvé le blond. Jason ne fut pas plus heureux en décrochant de l’arbre enchanté la toison merveilleuse.

Notre héros est dans la meilleure des situations possibles : un vrai cigare de la Havane à la bouche, des pantoufles aux pieds, une bouteille de vin du Rhin sur sa table, avec les journaux de la semaine passée et une jolie petite contrefaçon des poésies d’Alfred de Musset.

Il peut boire un verre et même deux de tockayer, lire Namouna ou le compte rendu du dernier ballet ; il n’y a donc aucun inconvénient à ce que nous le laissions seul pour quelques instants : nous lui donnons de quoi se désennuyer, si tant est qu’un amoureux puisse s’ennuyer. Nous retournerons sans lui, car ce n’est pas un homme à nous en ouvrir les portes, à la petite maison de la rue Kipdorp, et nous vous servirons d’introducteur. — Nous vous ferons