Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/263

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Byron, — ce coquin de soleil est un grand séducteur, et il a fait plus de conquêtes que don Juan.

Il n’est donc pas étonnant que Gretchen, dans une atmosphère si morale, soit restée étrangère à toute idée d’amour, même sous la forme du mariage, forme légale et permise s’il en fut. Elle n’a pas lu de mauvais romans ni même de bons ; elle ne possède aucun parent mâle, cousin, ni arrière-cousin. Heureux Tiburce ! — D’ailleurs, les matelots avec leur courte pipe culottée, les capitaines au long cours qui promènent leur désœuvrement, et les dignes négociants qui se rendent à la Bourse agitant des chiffres dans les plis de leur front, et jettent, en longeant le mur, leur silhouette fugitive dans l’espion de Gretchen, ne sont guère faits pour enflammer l’imagination.

Avouons cependant que, malgré sa virginale ignorance, l’ouvrière en dentelle avait distingué Tiburce comme un cavalier bien tourné et de figure régulière ; elle l’avait vu plusieurs fois à la cathédrale en contemplation devant la Descente de croix, et attribuait son attitude extatique à un excès de dévotion bien édifiant dans un jeune homme. Tout en faisant circuler ses bobines, elle pensait à l’inconnu de la place de Meïr, et s’abandonnait à d’innocentes rêveries. — Un jour même, sous l’impression de cette idée, elle se leva, et sans se rendre compte de