Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/290

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sa gorgerette flottait plus librement, sa jupe bouffait à plis provocants et mondains, ses bras se déployaient amoureusement et comme prêts à saisir une proie voluptueuse. La grande sainte devenait courtisane et se faisait tentatrice. — Dans un siècle plus crédule, Tiburce aurait vu là quelque sombre machination de celui qui va rôdant, quærens quem devoret ; il se serait cru la griffe du diable sur l’épaule et bien dûment ensorcelé.

Comment se fait-il que Tirburce, aimé d’une jeune fille charmante, simple d’esprit, spirituelle de cœur, ayant la beauté, l’innocence, la jeunesse, tous les vrais dons qui viennent de Dieu et que nul ne peut acquérir, s’entête à poursuivre une folle chimère, un rêve impossible, et comment cette pensée si nette et si puissante a-t-elle pu arriver à ce degré d’aberration ? Cela se voit tous les jours ; n’avons-nous pas chacun dans notre sphère été aimés obscurément par quelque humble cœur, tandis que nous cherchions de plus hautes amours ? n’avons-nous pas foulé aux pieds une pâle violette au parfum timide, en cheminant les yeux baissés vers une étoile brillante et froide qui nous jetait son regard ironique du fond de l’infini ? — l’abîme n’a-t-il pas son magnétisme, et l’impossible sa fascination ?

Un jour, Tiburce entra dans la chambre de Gretchen portant un paquet, — il en tira une