Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/401

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tombeau et qui vient te consacrer une vie qu’elle n’a reprise que pour te rendre heureux ! »

Toutes ces paroles étaient entrecoupées de caresses délirantes qui étourdirent mes sens et ma raison au point que je ne craignis point pour la consoler de proférer un effroyable blasphème, et de lui dire que je l’aimais autant que Dieu.

Ses prunelles se ravivèrent et brillèrent comme des chrysoprases. « Vrai ! bien vrai ! autant que Dieu ! dit-elle en m’enlaçant dans ses beaux bras. Puisque c’est ainsi, tu viendras avec moi, tu me suivras où je voudrai. Tu laisseras tes vilains habits noirs. Tu seras le plus fier et le plus envié des cavaliers, tu seras mon amant. — Être l’amant avoué de Clarimonde, qui a refusé un pape, c’est beau, cela ! Ah ! la bonne vie bien heureuse, la belle existence dorée que nous mènerons ! — Quand partons-nous, mon gentilhomme ?

— Demain ! demain ! m’écriai-je dans mon délire.

— Demain, soit ! reprit-elle. J’aurai le temps de changer de toilette, car celle-ci est un peu succincte et ne vaut rien pour le voyage. Il faut aussi que j’aille avertir mes gens qui me croient sérieusement morte et qui se désolent tant qu’ils peuvent. L’argent, les habits, les voitures, tout sera prêt ; je te viendrai prendre à cette heure-ci. Adieu, cher cœur. » Et elle effleura mon front du bout de ses lèvres. La lampe s’éteignit, les