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Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/496

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chevaux d’Homère ; — plus de tour de Lylacq, plus de Babel géante escaladant le ciel de ses spirales infinies, plus de temples démesurés faits avec des quartiers de montagne, plus de terrasses royales que chaque siècle et chaque peuple n’ont pu élever que d’une assise, et d’où le prince accoudé et rêveur peut regarder la figure du monde comme une carte déployée ; plus de ces villes désordonnées faites d’un inextricable entassement d’édifices cyclopéens, avec leurs circonvallations profondes, leurs cirques rugissant nuit et jour, leurs réservoirs remplis d’eau de mer et peuplés de léviathans et de baleines, leurs rampes colossales, leurs superpositions de terrasses, leurs tours au faîte baigné de nuages, leurs palais géants, leurs aqueducs, leurs cités vomitoires et leurs nécropoles ténébreuses ! Hélas ! plus rien que des ruches de plâtre sur un damier de pavés.

L’on s’étonne que les hommes ne se soient pas révoltés contre ces confiscations de toutes les richesses et de toutes les forces vivantes au profit de quelques rares privilégiés, et que de si exorbitantes fantaisies n’aient point rencontré d’obstacles sur leur chemin sanglant. C’est que ces existences prodigieuses étaient la réalisation au soleil du rêve que chacun faisait la nuit, — des personnifications de la pensée commune, — et que les peuples se regardaient vivre symbolisés sous un de ces noms météoriques qui flamboient