Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/537

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tiale. Il lui fallut un confident comme à un prince de tragédie moderne. Il n’alla pas, comme vous le pensez bien, choisir un philosophe rébarbatif, à la mine renfrognée, laissant tomber un flot de barbe grise et blanche sur un manteau percé de trous orgueilleux, ni un guerrier ne parlant que de balistes, de catapultes et de chars armés de faux, ni un Eupatride sentencieux plein de conseils et de maximes politiques, mais bien Gygès, ― que sa renommée galante devait faire passer pour un connaisseur en matière de femmes.

Un soir, il lui posa la main sur l’épaule d’un air plus familier et plus cordial que de coutume, et, lui jetant un coup d’œil significatif, il fit quelques pas et se sépara du groupe de courtisans en disant à haute voix :

« Gygès, viens donc me donner ton avis sur mon effigie que les sculpteurs de Sicyone ont achevé tout récemment de tailler dans le bas-relief généalogique où sont inscrits mes aïeux.

― Ô roi ! tes connaissances sont supérieures à celles de ton humble sujet, et je ne sais comment reconnaître l’honneur que tu me fais en me daignant consulter, » répondit Gygès avec un signe d’assentiment.

Candaule et son favori parcoururent plusieurs salles décorées dans le goût hellénique, où l’acanthe de Corinthe, la volute d’Ionie fleurissaient et se contournaient au chapiteau des co-