Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/540

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Par un hasard que Gygès ne put s’empêcher de remarquer, la statue de Candaule se trouvait précisément occuper la dernière place disponible à la gauche d’Héraclès. ― Le cycle dynastique était fermé, et, pour loger les descendants de Candaule, il eût fallu de toute nécessité élever un nouveau portique et recommencer un nouveau bas-relief.

Candaule, dont le bras reposait toujours sur l’épaule de Gygès, fit en silence le tour du portique ; il semblait hésiter à entrer en matière et avoir tout à fait oublié le prétexte sous lequel il avait amené son capitaine des gardes dans cet endroit solitaire.

« Que ferais-tu, Gygès, dit enfin Candaule, rompant ce silence pénible pour tous deux, si tu étais plongeur et que du sein verdâtre de l’Océan tu eusses retiré une perle parfaite, d’un éclat et d’une pureté incomparables, d’un prix à épuiser les plus riches trésors ?

― Je l’enfermerais, répondit Gygès, un peu surpris de cette brusque question, dans une boîte de cèdre revêtue de lames de bronze, et je l’enfouirais dans un lieu désert, sous une roche déplacée, et de temps à autre, lorsque je serais sûr de n’être vu de personne, j’irais contempler mon précieux joyau et admirer les couleurs du ciel se mêlant à ses teintes nacrées.

― Et moi, reprit Candaule, l’œil illuminé d’enthousiasme, si je possédais ce si riche bijou,