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Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/579

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mon maître ! Est-ce bien vous, ô reine ! qui me demandez un si grand forfait ? Je comprends toute votre indignation, je la trouve juste, et il n’a pas tenu à moi que ce sacrilège n’eût pas lieu : mais, vous le savez, les rois sont puissants, ils descendent d’une race divine. Nos destins reposent sur leurs genoux augustes, et ce n’est pas nous, faibles mortels, qui pouvons hésiter à leurs ordres. ― Leur volonté renverse nos refus comme un torrent emporte une digue. ― Par vos pieds que j’embrasse, par votre robe que je touche en suppliant, soyez clémente ! oubliez cette injure qui n’est connue de personne et qui restera éternellement ensevelie dans l’ombre et le silence ! Candaule vous chérit, vous admire, et sa faute ne vient que d’un excès d’amour.

― Si tu parlais à un sphinx de granit dans les sables arides de l’Égypte, tu aurais plus de chance de l’attendrir. Les paroles ailées s’envoleraient sans interruption de ta bouche pendant une olympiade entière, que tu ne pourrais rien changer à ma résolution. Un cœur d’airain habite ma poitrine de marbre… Meurs ou tue ! ― Quand le rayon de soleil qui s’est glissé à travers les rideaux aura atteint le pied de cette table, que ton choix soit fait… J’attends ».

Et Nyssia mit ses bras en croix sur son sein, dans une attitude pleine d’une sombre majesté.

À la voir debout, immobile et pâle, l’œil fixe, les sourcils contractés, la tête échevelée, le pied