Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/589

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suspendus aux chevilles s’animaient sur la muraille d’une vie factice, prenaient des apparences humaines, et quand Nyssia, quittant son dernier voile, s’avança vers le lit blanche et nue comme une ombre, il crut que la Mort avait rompu les liens de diamant dont Héraclès l’avait autrefois enchaînée aux portes de l’enfer lorsqu’il délivra Alceste, et venait en personne s’emparer de Candaule.

Le roi, vaincu par la force des sucs du népenthès, s’était endormi. Nyssia fit signe à Gygès de sortir de sa retraite, et, posant son doigt sur la poitrine de la victime, elle lança à son complice un regard si humide, si lustré, si chargé de langueurs, si plein d’enivrantes promesses, que Gygès, éperdu, fasciné, s’élança de sa cachette, comme le tigre du haut du rocher où il s’est blotti, traversa la chambre d’un bond, et plongea jusqu’au manche le poignard bactrien dans le cœur du descendant d’Hercule. La pudeur de Nyssia était vengée, et le rêve de Gygès accompli.

Ainsi finit la dynastie des Héraclides après avoir duré cinq cent cinq ans, et commença celle des Mermnades dans la personne de Gygès, fils de Dascylus. ― Les Sardiens, indignés de la mort de Candaule, firent mine de se soulever ; mais l’oracle de Delphes s’étant déclaré pour Gygès, qui lui avait envoyé un grand nombre de vases d’argent et six cratères d’or du poids