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aventures du baron de münchhausen.

angoisse mortelle — c’était le cas de le dire. — J’envoyai chercher immédiatement mon écouteur et mon tireur. Ils arrivèrent aussitôt ; mon écouteur se coucha à terre pour entendre si mon coureur ne venait pas : à mon grand désespoir, il m’annonça que le drôle se trouvait fort loin de là profondément endormi et ronflant de tous ses poumons. À peine mon brave tireur eut-il appris cela, qu’il courut sur une terrasse élevée, et, se dressant sur ses pointes pour mieux voir, s’écria : « Sur mon âme ! je le vois, le paresseux : il est couché au pied d’un chêne, aux environs de Belgrade, avec la bouteille à côté de lui. Attendez, je vais le chatouiller un peu. » En même temps il ajusta sa carabine, et envoya la charge en plein dans le feuillage de l’arbre. Une grêle de glands, de branches et de feuilles s’abattit sur le dormeur ; craignant d’avoir reposé trop longtemps, il reprit sa course avec une telle rapidité qu’il arriva au cabinet du sultan avec la bouteille de tokay et un billet autographe de Marie-Thérèse, à trois heures cinquante-neuf minutes et demi.

Saisissant aussitôt la bouteille, le noble gourmet se mit à la déguster avec une indicible volupté.