Aller au contenu

Page:Gautier - Aventures du baron de Münchhausen.pdf/75

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
55
aventures du baron de münchhausen.

Étant dès lors bien assuré que les deux parties de mon cheval étaient vivantes, j’envoyai chercher notre vétérinaire. Sans perdre de temps, il les rajusta au moyen de rameaux de laurier qui se trouvaient là, et la blessure guérit heureusement. Il advint alors quelque chose qui ne pouvait arriver qu’à un animal aussi supérieur. Les branches prirent racine dans son corps, poussèrent, et formèrent autour de moi comme un berceau à l’ombre duquel j’accomplis plus d’une action d’éclat.

Je veux vous raconter encore ici un petit désagrément qui résulta de cette brillante affaire. J’avais si vigoureusement, si longtemps et si impitoyablement sabré l’ennemi, que mon bras en avait conservé le mouvement, alors que les Turcs avaient depuis longtemps disparu. Dans la crainte de me blesser et surtout de blesser les miens lorsqu’ils m’approchaient, je me vis obligé de porter pendant huit jours mon bras en écharpe, comme si j’eusse été amputé.

Lorsqu’un homme monte un cheval tel que mon lithuanien, vous pouvez bien, messieurs, le croire capable d’exécuter un autre trait qui paraît, au premier abord, tenir du fabuleux. Nous faisions le siège d’une ville dont j’ai oublié le nom, et il était de la plus haute importance pour le feld-maréchal de savoir ce qui se passait dans la place : il paraissait impossible d’y pénétrer, car il eût fallu se faire jour à travers les avant-postes,