Des jeunes filles et de leurs nobles femmes,
Et il n’en est pas un qui ne pleure de tendresse.
Mais, entre tous, le plus angoisseux, c’est Charles
Qui a laissé son neveu aux défilés d’Espagne.
Il est pris de douleur, et ne se peut empêcher de pleurer.Aoi.
LXXIII
Les douze Pairs sont restés en Espagne :
Vingt mille Français sont en leur compagnie.
Ils n’ont pas peur et ne craignent point la mort.
Quant à l’Empereur, il s’en retourne en France.
Il pleure de ses yeux et tire sa barbe blanche ;
Sous son manteau se cache.
À son côté chevauche le duc Naimes :
« Quelle pensée vous pèse ? » dit-il au Roi.
« — Le demander, » répondit Charles, « c’est me faire outrage.
« J’ai si grand deuil qu’il me faut pleurer :
« Par Ganelon France sera détruite.
« Cette nuit, je vis, dans une vision d’ange,
« Je vis Ganelon me briser ma lance entre les mains,
« Ce même Ganelon qui fit mettre mon neveu à l’arrière-garde.
« Et j’ai dû laisser Roland en un pays étranger.
« Si je perds un tel homme, ô mon Dieu, je n’en trouverai jamais le pareil ! »Aoi.
LXXIV
Charles le Grand ne peut s’empêcher de pleurer :
Cent mille Français sont pris pour lui de grand’pitié
Et d’une peur étrange pour Roland.
C’est Ganelon, c’est ce félon qui l’a trahi ;
C’est lui qui a reçu du roi païen riches présents,
Or et argent, étoffes et vêtements de soie,
semblance avec celui de Charlemagne dont il a été question plus haut (v. 718) : lI me san’oit, leaument le vous di, — Que IIl lupart m’avoient asailli : — Si me traioient le puer de sous le pis (t. 591). Cf. Renaus de Montauban, p. 112,171 et 374 de l’édit. Michelant, et vingt autres passages de nos vieux poèmes