MORT DE ROLAND
CXCVIII
Roland lui-même sent que la mort lui est proche ;
Sa cervelle s’en va par les oreilles.
Le voilà qui prie pour ses pairs d’abord, afin que Dieu les appelle.
Puis il se recommande à l’ange Gabriel.
Il prend l’olifant d’une main (pour n’en pas avoir de reproche),
Et de l’autre saisit Durendal, son épée.
Il s’avance plus loin qu’une portée d’arbalète ;
Il s’avance sur la terre d’Espagne, entre en un champ,
Monte sur un tertre. Sous deux beaux arbres,
Il y a là quatre perrons de marbre.
Roland tombe à l’envers sur l’herbe verte
Et se pâme : car la mort lui est proche.Aoi.
CXCIX
Les puys sont hauts, hauts sont les arbres.
Il y a là quatre perrons, tout luisants de marbré.
Sur l’herbe verte le comte Roland se pâme.
Cependant un Sarrasin l’épie,
Qui contrefait le mort et gît parmi les autres ;
Il a couvert de sang son corps et son visage.
Soudain il se redresse, il accourt.
Il est fort, il est beau et de grande bravoure.
Plein d’orgueil et de mortelle rage,
Il saisit Roland, corps et armes,
Et s’écrie : « Vaincu, il est vaincu, le neveu de Charles !
« Voilà son épée que je porterai en Arabie. »
II la prend en son poing, et tire la barbe de Roland ;
Mais, comme il la tirait, Roland reprit un peu connaissance.Aoi.
CC
Roland sent bien qu’on lui enlève son épée ;
Il ouvre les yeux, ne dit qu’un mot :