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Page:Gautier - Chanson de Roland onzieme edition 1881.djvu/273

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« Tu n’es pas des nôtres, que je sache ! »
De son olifant, qu’il ne voulut jamais lâcher,
Il frappe un rude coup sur le beaume couvert de pierreries et d’or,
Brise l’acier, la tête et les os du païen,
2290Lui fait jaillir les deux yeux hors du chef...
Et le retourne mort à ses pieds :
« Lâche, » dit-il, « qui t’a rendu si osé,
« A tort ou à droit, de mettre la main sur Roland ?
« Qui le saura t’en estimera fou.
2295« Le pavillon de mon olifant en est fendu ;
« L’or et les pierreries en sont tombés. »Aoi.

CCI

Roland sent bien que, la mort le presse ;
Il se lève et, tant qu’il peut, sévertue :
Las ! son visage n’a plus de couleurs.
Alors il prend, toute nue, son épée Durendal :
2300Devant lui est une roche brune ;
Par grande douleur et colère, il y assène dix forts coups ;
L’acier de Durendal grince point ne se rompt, point ne s’ébrèche
« Ah ! sainte, Marie, venez à mon aide, » dit le Comte.« O ma bonne Durendal, quel malheur !
2305« À l’heure où je me sépare de vous, je n’en ai pas moins souci de votre honneur ;
« Avec vous j’ai tant gagné de batailles !
« J’ai tant conquis de vastes royaumes
« Que tient aujourd’hui Charles à la barbe chenue !
« Ne vous ait pas.qui fuie devant un autre !
« Tant que je vivrai, vous ne me serez paz enlevée :
2310« Car vous avez été longtemps au poing d’un bon vassal,
« Tel qu’il n’y en aura jamais en France, la terre libre. »Aoi.

CCII

Roland frappe une seconde fois au perron de sardoine.
L’acier grince : il ne se rompt pas, il ne s’ébrèche point.
Quand le Comte s’aperçoit qu’il ne peut briser son épée,
2315En dedans de lui-même il commence à la plaindre