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Page:Gautier - Chanson de Roland onzieme edition 1881.djvu/307

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Ils chevauchent si bien qu’ils arrivent à Saragosse ;
2690Ils traversent dix portes, passent quatre ponts
Et parcourent toutes les rues où se tiennent les bourgeois.
Comme ils approchent du haut de la ville,
Ils entendent un grand bruit du côté du. palais.
C’est une foule de païens
2695Qui pleurent, qui crient, qui se livrent à une grande douleur,
Qui se plaignent de leurs dieux Tervagan et Mahomet,
Et de cet Apollon dont ils n’ont rien reçu :
« Malheureux ! » disent-ils, « que deviendrons-nous ?
« La honte et le malheur sont tombés sur nous.
2700« Nous avons perdu le roi Marsile,
« Dont le comte Roland a coupé le poing droit,
« Jurfaleu le blond n’est plus.
« Toute l’Espagne va tomber en leurs mains. ».
Sur ce, les deux messagers descendent au perron.Aoi.

CCXXV

2705Les messagers laissent leurs chevaux à l’ombre d’un olivier,
Et deux Sarrasins les prennent par les rênes.
Puis tous les deux, se tenant par leurs manteaux,
Sont montés au plus haut du palais.
Comme ils entrent dans la chambre voûtée,
2710Ils font, par bon amour, leur salut de mécréants au roi Marsile :
« Qu’Apollon qui nous, tient en son pouvoir,
« Que Tervagan et notre, seigneur Mahomet
« Sauvent le Roi et gardent : la Reine !
« — Quelle folie dites-vous là ? » s’écrie Bramimonde ;
2715« Nos dieux ne sont que des lâches ;
« Et n’ont fait à Roncevaux que mauvaise besogne.
« Ils y ont laissé mourir tous nos chevaliers
« Et ont abandonné, en pleine bataille, mon propre seigneur.
« Marsile a perdu son poing, qui manque à son bras,
2720« Et c’est Roland, le puissant comte, qui le lui a tranché.
« Charles aura bientôt toute l’Espagne entre les mains.
« Ah ! misérable, ah ! chétive ! que vais-je devenir ?
« Malheureuse ! n’y a-t-il point quelqu’un qui veuille me tuer ? »Aoi.